Votre navigateur ne supporte pas le javascript! Les Phéniciens - La légende d'Adon et d'Ashtarout

La légende d'Adon et d'Ashtarout

Adon (seigneur en sémitique), connu sous le nom de Tammuz chez les Babyloniens, ou d’Adonis chez les Grecs et les Romains, représentait le jeune dieu, parmi la triade religieuse de Jbeil (Byblos), ainsi qu'à Baalbek. Il était adoré dans d’autres villes phéniciennes mais connu sous d’autres appellations. C’était Echmoun chez les Sidoniens, ou Melkart chez les Tyriens… Il était l’équivalent d’Osiris chez les Egyptiens…

Sa légende était relatée par de nombreux historiens et voyageurs et adaptée différemment dans chaque contrée.

Adonis & Astarté
Adonis & Astarté

La traduction de certaines écritures phéniciennes laisse envisager qu’Adon est né du dieu El et de son épouse la déesse Ashérat, qui avait pris la forme d’un arbre. Une inscription, mais cette fois trouvée à Chypre, raconte l’histoire d’un dieu né du roi de Chypre et de sa fille qui pourrait être Adon. Pour les Carthaginois, Adon est le fils de Phénix et de la nymphe Alphésibée. C’est dans la mythologie grecque que nous trouvons plusieurs versions de cette légende. Elles se ressemblent, mais seuls les acteurs changent.

Néanmoins, toutes ces histoires s’accordent sur le fait qu’Adon (Adonis) est né d’une liaison d’inceste entre un roi de l’est de la Méditerranée et sa fille. Une version parle du Cinyras le roi des Assyriens et sa fille Smyrna. Une autre, du roi de Chypre Théias et Myrrha sa fille.

Naissance d'Adonis
Naissance d'Adonis

Myrrha était connue pour sa beauté qui dépassait celle d’Astarté (Aphrodite chez les Grecs ou Vénus chez les Romains), ce qui poussa cette dernière, par jalousie, d’inspirer à Myrrha de tomber amoureuse de son père. Avec l’aide de sa nourrice Hippolité, Myrrha arriva à coucher avec son père qui ignorait qu’il s’agissait de sa fille. Elle tomba enceinte, le roi, découvrant la vérité, chercha sa fille pour la tuer. Myrrha, prise par la peur et la honte, pria les dieux pour la sauver. Ils répondirent et la transformèrent en un arbre qui fut connaitre sous le nom de Myrrhe (le balsamier). Neuf mois plus tard, l’arbre se fendit en deux et Adon naquit.

Selon la mythologie grecque, Aphrodite, éprise par la beauté de ce nouveau-né, le cacha dans une boîte qu'elle confia à Perséphone la reine des enfers. Saisie par la curiosité, Perséphone ouvra la boîte et trouva Adonis. Vu sa beauté, elle le sortit et l’éleva dans son palais. Adonis devint un très beau jeune homme, Perséphone tomba amoureuse de lui. Aphrodite, revenant dans les enfers pour réclamer Adonis, se confronta au refus de la reine de le laisser partir. A la demande d'Aphrodite, Zeus intervint, et il décida de diviser l’année en trois parties. Adonis devait passer les quatre premiers mois, avec Perséphone, quatre autres avec Aphrodite et les quatre derniers à faire ce qu’il le désire. Adonis, exécutera ce jugement mais il décida de passer son temps libre avec Aphrodite.

Adonis adorait la chasse, il passait beaucoup du temps à s’adonner à sa passion aux alentours de Byblos. Aphrodite, follement amoureuse de ce jeune homme, le suivit dans toutes ces sorties. Un jour, qu’il chassait dans un lieu qui se nomme Afqa, il tomba sur un sanglier et l’affronta. Ce dernier le mordit dans la jambe. Aphrodite accourut à côté de son amant et essaya de le sauver, mais Adonis succomba à ses blessures et son sang se répandit sur le sol donnant naissance aux anémones, se mélangeant, par la suite à l’eau de la rivière toute proche qui devint rouge et conférant à ce fleuve le nom de "Nahr Adonis". La déesse fit célébrer la mort de son amant chaque printemps en organisant des grandes fêtes.

Grotte de Afqa
Grotte de Afqa

La Mort d'Adonis
La Mort d'Adonis

Cette mort aurait pu être un regrettable accident de chasse mais des versions diverses relatent d’autres origines. Certaines histoires racontent qu’Arès, dieu de la guerre et l’amant d’Aphrodite, s’est métamorphosé en sanglier et a attaqué Adonis par jalousie. D’autres affirment que c’était Apollon pour se venger d’Aphrodite après avoir rendu Erymanthos, le fils du dieu, aveugle. Une autre interprétation relate que c’était Perséphone, jalouse qu'Adonis ait préféré de passer plus du temps avec sa rivale. Une version suppose que la déesse Aphrodite provoqua elle-même cet accident, désirant persuader son amant d'abandonner cette activité dangereuse.

Adonis était également connu chez les Romains. Astarté portait le nom de Vénus et Perséphone celui de Proserpine. Jupiter remplaça Zeus et Arès devînt Mars. La légende romaine raconte qu’Adonis, à sa naissance, fut élevé par les Nymphes dans des grottes du Mont Liban, à côté de la source d'un fleuve, qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de "Nahr Ibrahim". Devenu un bel homme, Adonis aimait la chasse et passait son temps dans les forêts. Un jour Vénus l’aperçut, succomba à son charme et en tomba amoureuse. L’histoire de sa mort est identique à la version grecque avec quelques nuances. Chez les Romains, Diane, déesse de la chasse, aurait intentionnellement mis ce sanglier sur le chemin d'Adonis, pour venger la mort d’Hippolyte causée par Venus. Une autre variante relate la métamorphose du dieu Mars en sanglier, afin d’éliminer son rival.

Adonis descendit dans le royaume des morts. Proserpine, la reine des enfers, en le voyant, tomba, à son tour, amoureuse de ce bel homme. Vénus, affligée par cet évènement, désirant redonner vie à son amoureux, elle se heurta au refus de Proserpine de laisser partir Adonis. Vénus alla demander à Jupiter d’intervenir. Ce dernier, décréta qu’Adonis devait passer quatre mois à côté de Proserpine, quatre autres avec Vénus et le reste libre de son choix que finalement Adonis décidera de les passer avec Vénus. Ce découpage ne peut manquer de nous rappeler les différentes saisons de l’année. Les quatre mois dans les enfers, correspondent à la période hivernale et le reste à la renaissance de la nature.

Comme vous l'avez certainement remarqué, la légende d'Adonis a fait le tour du monde antique et fut adaptée chez chaque civilisation. Les récits divergent mais s’accordent toujours sur sa beauté légendaire, sa relation avec la déesse de l’amour et son symbole de renaissance de la nature. A son culte furent affectées des fêtes antiques, dont les "Adonies" étaient les plus célèbres, en Phénicie, en Grèce, chez les Romains et les Carthaginois. Plusieurs historiens ont raconté ces traditions et nous ont laissé des témoignages diversifiés. Nous allons vous transcrire quelques-unes, particulièrement celles qui se déroulaient autour de Byblos.

Lors d'une visite effectuée (au II° siècle apr. J.C.) dans les sanctuaires de Sidon, ceux de Byblos et plus précisément celui d'Afqa (la source de Nahr Ibrahim), Lucien de Samosate(1) essaya d'élucider l'origine du culte d'Adonis.

Vestiges du temple
Vestiges du temple

J'ai vu aussi à Byblos un grand sanctuaire consacré à Aphrodite Byblienne, dans lequel les orgies se célèbrent en l'honneur d'Adonis. Je me suis fait instruire de ces orgies. Les Bybliens disent donc que l'accident qui, du fait du sanglier, survint à Adonis eut lieu dans leur pays, et qu'en mémoire de cet événement, ils se frappent chaque année, se lamentent, célèbrent des orgies et mènent de grands deuils, dans toute la contrée. Lorsqu'ils ont cessé de se frapper et de pleurer, ils célèbrent d'abord, comme s'il était mort, les funérailles d'Adonis.

Puis le jour suivant, ils racontent qu'il vit, le font monter au ciel, puis se rasent la tête comme les Egyptiens après la mort d'Apis. Quant aux femmes qui ne veulent point se tondent les cheveux, elles s'acquittent par une amende qu'elles recueillent ainsi : elles doivent être prêtes durant un jour entier, à tirer profit de leur propre beauté. La place où elles se trouvent n'est accessible qu'aux seuls étrangers, et les salaires qu'elles se font deviennent une offrande pour Aphrodite.

On peut encore admirer un autre prodige sur le territoire de Byblos : c'est un fleuve qui, sortant du mont Liban, s'écoule dans la mer. On a conféré à ce fleuve le nom d'Adonis. Or, chaque année, ce fleuve s'ensanglante, et, ayant perdu sa coloration, s'épanche dans les flots, rougit une partie considérable du large et signale aux Bybliens le moment des deuils. On raconte que, dans ces mêmes jours, Adonis est blessé sur le Mont Liban, et que son sang, en parvenant dans l'eau, change le fleuve et donne à son cours le surnom qu'il a. Tel est ce que rapportent la plupart. Mais un habitant de Byblos qui m'a semblé dire la vérité m'a donné une autre explication de ce phénomène.

Il me parla ainsi :
"Le fleuve Adonis, étranger, traverse le Liban, et la terre du Liban est extrêmement rousse. Des vents violents, qui se lèvent en ces jours, transportent dans le fleuve cette terre qui n'est, pour la plus grande part, qu'ocre vermillonnée, et cette terre donne au fleuve une couleur de sang. Ce n'est donc pas le sang, comme on le dit, qui est la cause de ce phénomène ; c'est le terrain".

Telle fut l'explication que me donna le Byblien. S'il parla selon la vérité, cette coïncidence ne m'en paraît pas moins éminemment divine.

L’évêque Eusèbe de Césarée (260-340), dans son "histoire de l'Église"(2), rappelle la présence d’un temple à Afqa, près de Byblos, consacré à Astarté et Adonis : "l’Empereur découvrit de son palais un piège dressé au salut des âmes dans un coin de la Phénicie, comme un aigle découvre, du haut du ciel, ce qui se passe sur la terre. C’étaient un bois et un temple consacrés à l’honneur d’un démon impur, sous le nom de Vénus ; non dans une place publique, mais à Aphaca, dans un endroit fort désert du mont Liban. On y tenait une école ouverte d’impudicité ; c’était un lieu où il se commettait mille abominations.".

Ammien Marcelin (330-395), historien antique, relatait, dans son œuvre Res gestæ(3), les Adonies : "De leur côté, les femmes éclataient en gémissements et en sanglots, et se frappaient la poitrine en s'écriant que l'espoir de la patrie avait été tranché dans sa fleur; imitant, dans les démonstrations de leur douleur, les prêtresses de Vénus quand elles célèbrent la fête d'Adonis, symbole mystique de la reproduction des biens de la terre".

Adonis et le Sanglier
Adonis et le Sanglier

L'historien Sazomène (375-450), dans son livre l'Histoire de l'église(4), parle de la destruction des temples, ordonnée par l’empereur Constantin (272-337), afin de réduire le culte païen exercé encore dans certains centres de pèlerinage : "On démolit entièrement celui d'Esculape qui était à Egide, ville de Cilicie, et celui de Vénus qui était à Aphaca proche du mont-Liban, et du fleuve Adonis. Ces deux Temples étaient fort fameux, et fort fréquentés par les anciens. Les habitants d'Egide publiaient que Dieu apparaissait la nuit aux malades dans leurs Temples, et les guérissait de leurs maladies. Quant à celui d'Aphaca, on y voyait en certains jours, un feu semblable à celui d'une étoile qui passait au-dessus de la cime du mont Liban, et s'allait éteindre dans les eaux du fleuve. Et ils disaient que ce feu était Uranie ou Vénus.".

Zosimé (5ème siècle), historien grec, racontait la présence d’un temple à Afqa (à côté de Byblos) : "Aphaca est un endroit, à mi-chemin d’Héliopolis et de Byblos où est fondé un temple d’Aphrodite Aphacitide. Près de celui-ci, il y a une sorte d’étang ressemblant à un réservoir fait de main d’homme. Sur le temple et les lieux d’alentour, un feu brille en l’air, à la façon d’un flambeau ou d’un globe, une fois que se produisent en cet endroit, à date fixe, des rassemblements : et ce feu apparaissait encore, même de notre temps."(5).






(1) Lucien de Samosate, De Dea Syria, traduction de Mario Meunier, Janick, Paris, 1947. Retour texte
(2) Mentionné par Edward Lipinski, Dieux et déesses de l’univers phénicien et punique, Peeters & Departement Oosterse Studies, Leuven 1995, p106. Retour texte
(3) Mentionné par Nina Jidejian, Byblos, à travers les âges, Dar el-Machreq Editeurs, Beyrouth, Liban, 1977, p.120. Retour texte
(4) Traduction par M. COUSIN, édition : Chez Damien Foucault, Imprimeur et Libraire ordinaire du ROI, Paris, 1686. Retour texte
(5) Mentionné par Brigitte Soyez, Byblos et la Fête des Adonies, Leiden E.J. BRILL, 1977, page 62. Retour texte

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