Votre navigateur ne supporte pas le javascript! Les Phéniciens - Elissa, fondatrice de Carthage
Portrait d'Elissa - Détail,<br>P.N. Gueri, Énée et Didon<br>Musée du Louvre
Portrait d'Elissa - Détail,
P.N. Gueri, Énée et Didon
Musée du Louvre

Elissa, fondatrice de Carthage


Les historiens de l'Antiquité ont longtemps véhiculé, dans leurs récits sur les Phéniciens, l'idée d'un peuple aventurier bravant les mers à la recherche des richesses. Leurs installations étaient parsemées, en comptoirs commerciaux, sur des points stratégiques autour de la Méditerranée. Grecs et Romains, rivaux des Phéniciens et des Carthaginois plus tard, influencèrent, par leur jalousie, ces sources et références de l'Antiquité. Les Phéniciens furent alors représentés comme des marchands retors et rusés, animés uniquement par l'appât du gain(1).

Parmi les comptoirs phéniciens, une ville s'est fortement illustrée par sa richesse et son indépendance : Carthage. Du phénicien Qart Hadath "la ville neuve", Carthage fut d'abord une étape sur la route du retour des navires chargés des richesses en provenance de l'Espagne. Sa fondation remonte à 814 av.J.C.

Le principal récit de la fondation de la ville reste celui de Justin(2) racontant que le roi de Tyr Matten, à sa mort, légua le pouvoir à son fils Pygmalion et à sa fille Elissa (ou Elissar - Didon). Le peuple de Tyr désirant un seul et unique souverain, suscita des dissensions au sein de la famille royale, d'autant qu'Elissa avait épousé son oncle Acherbas, grand prêtre de Melqart, qui jouissait d'une autorité aussi grande que celle du roi et disposait d'une richesse fabuleuse. Pygmalion, désireux de s'approprier et le pouvoir et les richesses de son oncle, assassina Acherbas. Elissa menacée, décida de s'enfuir en usant de la ruse. Pour ne pas éveiller les soupçons de son frère, elle émit son désir de venir s'installer auprès de lui dans le palais. Pygmalion accepta en pensant qu'Elissa apporterait avec elle ses richesses. Il envoya ses navires l'a ramené.

Elissa attendit la nuit pour cacher ses trésors dans la cale du navire et prépara des sacs remplis de sables qu'elle disposa à bord. Une fois en mer elle jeta les sacs par-dessus bord, invoquant le souvenir de son mari en le suppliant d'accepter cette offrande. Les serviteurs du roi prirent peur et décidèrent d'accompagner la princesse dans son voyage de crainte des représailles du roi. Des sénateurs et des prêtres de Melqart s'étaient joints au groupe d'exilés. Ils se dirigèrent vers Chypre pour se ravitailler. Quatre vingt vierges, consacrées au temple d'Astarté avant leur mariage, furent enlevées et mariées aux Tyriens qui accompagnaient la princesse. Elissa "la vagabonde" brava la mer et partit à la recherche d'une "ville neuve". Son navire accosta sur les côtes africaines.

Fondation de Carthage
Fondation de Carthage

Justin poursuit son récit évoquant l'installation du convoi tyrien :

"Elissa sollicite l'amitié des habitants qui voyaient avec joie dans l'arrivée de ces étrangers une occasion de trafic et de mutuels échanges. Ensuite elle accepta autant de terrain qu'en pourrait couvrir une peau de bœuf, (...) puis elle fait couper la peau en lanières très minces et occupe ainsi plus d'espace qu'elle n'en avait demandé. De là vint plus tard à ce lieu le nom de Byrsa.

Puis, attirés par l'espoir du gain, des gens du voisinage, accourant en foule apporter aux étrangers force marchandises, s'établirent chez eux et, de cette foule d'hommes, il se forma une sorte de cité. Des envoyés d'Utique(3), reconnaissant en eux des parents leurs apportèrent aussi des présents et les engagèrent à fonder une ville à l'endroit ou le sort les avait donné asile. Les Africains voulurent aussi retenir ces étrangers. C'est ainsi que, du consentement de tous, Carthage fut fondée après qu'on eut fixé le tribut annuel qu'elle payerait pour le sol de la ville.

On trouva dans les premières fondations une tête de bœuf, augure qui indiquait un sol fertile mais difficile à cultiver et une ville vouée à un perpétuel esclavage. On transporta donc la ville en un autre endroit. Là on trouva une tête de cheval, ce qui signifiait que le peuple serait belliqueux et puissant et l'on mit la ville sur cet emplacement de favorable augure"(4).

La Mort de Didon<br>Musée du Louvre
La Mort de Didon
Musée du Louvre

La cité de Carthage prospéra sous le règne d’Elissa, ses richesses se développèrent avec l’arrivée des nouveaux habitants et les affaires s’épanouissaient avec les commerçants qui affluaient de tout bord. Hiarbas, roi des Maxitans, le peuple autochtone, voulant mettre la main sur cette nouvelle richesse, réclama Elissa comme épouse sinon il déclarerait la guerre. La reine, refusant de trahir son serment de rester fidèle à la mémoire de son époux, décida de mettre fin à sa vie en se poignardant et se jettant dans le feu.


Une autre version de la mort d’Elissa nous a été transmise par Virgile, dans l'Énéide. Il raconte que la reine est tombée amoureuse d’Énée le prince troyen qui, faisant route vers l’Italie, fut repoussé par la volonté des dieux vers la côte près de Carthage. Un mariage aurait eu lieu dans une grotte et Enée resta auprès de la souveraine. Jupiter ne tardera pas à rappeler au Troyen qu’il devait accomplir son devoir et repartir vers l’Italie pour créer une nouvelle cité. Le prince, avec ses compagnons, remit les voiles vers l’Italie et abandonna Elissa. La reine, prise de chagrin, ordonna de mettre le feu à toutes les affaires laissées par Énée, elle se perça le cœur avec une épée et se jeta dans les flammes.

La Mort de Didon
La Mort de Didon

D'abord sujette de Tyr, la cité de Carthage gagna peu à peu son indépendance et fut gouvernée plus tard par ses propres magistrats portant le titre de suffètes. Elle garda des liens étroits(5) avec Tyr, la métropole, jusqu'au moment du siège d'Alexandre en 332 av.J.C. lorsque les Tyriens assiégés essayèrent de fuir leur cité la nuit par des navires en partance pour Carthage où ils avaient de la famille et espéraient trouver un refuge loin de cette guerre imposée par les Macédoniens.

Carthage ne tarda pas à prendre son envol et à définir sa propre politique commerciale et diplomatique en assurant la relève de Tyr pour la tutelle de tous les comptoirs phéniciens en Méditerranée occidentale. Cette prédominance carthaginoise offrit à la "colonie" une particularité qui la distingua de la cité mère. Désormais les habitants se définissent "puniques" inaugurant ainsi un nouveau chapitre dans l'histoire méditerranéenne. Les liens subsisteront de part et d'autre jusqu'à ce que leur mer devienne le Mare Nostrum des Romains.

L'Empire Punique
L'Empire Punique

Ce peuple, descendants des Phéniciens, a réussi à créer son propre espace ainsi qu'une culture divergente. Carthage est devenue un empire, son influence, au sommet de sa gloire, s’est étendue de la côte libyenne pour traverser les colonnes d’Hercule et se propager sur les côtes de l’océan Atlantique, le Portugal au Nord et le Maroc au Sud. Carthage a conquis l’Espagne et la plupart des îles de la Méditerranée (la Sicile, la Sardaigne, la Corse, ...). Son armée, dirigée par Hannibal, a traversé les Alpes et venue défier Rome à ses portes...(6).






(1) Homère, L'Odyssée, voir la page Sidonienne. Retour texte
(2) Cf., Justin, XVII, 4-6 Retour texte
(3) Un autre comptoir phénicien créé par es marins de Tyr en 1100 av. à une trentaine de km au nord de Carthage. Retour texte
(4) Id, XVIII, 5, 8 sq. Retour texte
(5) Les Carthaginois entretenaient des liens religieux étroits avec Tyr. Ils offraient chaque année le dixième de leur revenu au temple de Melqart. Retour texte
(6) Nous revenons prochainement dans d’autres pages sur les Guerres Puniques et l’histoire militaire des Carthaginois et en particulier celle d’Hannibal Barca. Retour texte

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